Jusqu'à 3 ans en détention provisire pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Pourtant aucun projet malfaisant ne leur est reproché, et ils se connaissent à peine…
La réforme des services voulue par Sarkozy avait accouché de l'affaire Tarnac, avec le concours de son inénarable "FBI à la française". Le nouvel opus de la DGSI au pays de l'ultragauche est dans les tuyaux, et le dossier est encore plus vide.
En cherchant bien on arrive à comprendre qu'on leur reproche d'avoir dit de vilaines choses sur les force de l'ordre alors qu'ils étaient ivres (les prévenus), l'un d'eux a combatu 10 mois au Rojava, certains ont fait un paint-ball avec des pétards pendant le confinement et ils utilisent Signal sans vergogne.
Quelques extraits des 4 journées d'auditions.
La présidente informe les prévenus que l’objectif de la journée est de « savoir un peu qui vous êtes »
« On va commencer par vos choix d’études et votre entrée dans l’âge adulte, sans s’intéresser à la petite enfance. »
On cherche des réseaux introuvables : cette maison en colocation, comment en avez-vous appris l’existence ? En réponse, il n’y a rien d’autre que la vie singulière de quelqu’un : « on se baladait sur une rivière et elle nous a plu, alors on a appelé le propriétaire ». On mélange des fils de discussions qui insinuent sans dire : votre passage à Sivens vous a marqué ? êtes-vous angoissé par le Covid ? vous êtes sensible à la question animale ? le survivalisme, cela vous parle ? « J’ai toujours eu une anxiété par rapport à l’avancée… des choses. C’est pour cela qu’aujourd’hui je veux vivre tranquille. J’ai un potager, des poules… » Le fossé ne cesse de se creuser : d’un côté tout ce fourbi d’abstractions des réseaux et des causes ; de l’autre les rivières, les forêts, les poules, les amis.
La présidente, à propos de la ZAD de Sivens « L’arrivée des forces de l’ordre à Sivens semble avoir été très marquante pour vous. »
Je n’aime pas le violence.
La violence de quel côté ? Y a-t-il un problème envers les forces de l’ordre à Sivens, pour vous en particulier ?
La 2° assesseure ajoute: « Ce qui est évoqué, juste avant, c’est Rémi Fraisse. Parlons-en ».
On ne sait pas trop de quoi il faudrait parler. Le prévenu, à la barre, trouve pourtant ces paroles. « J’ai eu un sentiment d’impuissance face au militantisme »
La présidente insiste sur un autre point : les craintes éventuelles du prévenu envers « une future rupture de normalité » ?
le triste jeu du tribunal est étouffant : prouver sa propre normalité, celle de ses valeurs
on le questionne sur ces liens avec les autres prévenus. Un autre était son meilleur ami. « On nous appelait Timon et Pumba. » Mais sinon, très peu de lien ou pas du tout avec les autres accusés. Le groupe n’en est pas un.
deuxième prévenu
« Je suis en colère d’être face à vous, à la fois triste et en colère. J’ai vécu trois ans de répression. Dix mois à Fresnes. Je n’ai jamais été violent et me retrouver accusé de terrorisme, c’est pour moi insupportable, terrible. »
Il s’est rendu en Colombie – l’enquête a un moment osé suggérer qu’il s’agissait de rejoindre un groupe révolutionnaire armé, suspicion levée
avant d’aller en Irak pour rejoindre le Rojava. « Aviez-vous l’idée d’engagement dans une cause ? Tous les mots sont piégeux, quand je dis cause, mais qu’est-ce qui vous tenait à cœur alors ? »
-Vous l’avez dit vous-même, les mots sont piégeux. Mais je voulais aller au Rojava pour soutenir le peuple kurde. Tout simplement. Je n’ai pas pu y aller car c’était au moment du retrait des troupes américaines décidé par Trump et il était trop dangereux de rejoindre le Rojava. « J’allais au Rojava pare que ça me parle : le confédéralisme démocratique, l’horizontalité, le respect des religions, des coutumes, des langues. Je voulais être acteur de ça. »
L’assesseure qui évoquait Rémi Fraisse revient à la charge : « De quelle intolérance parlez-vous ? Est-ce que vous visez les forces de l’ordre ? » Non, il parlait de valeurs humaines. « J’insiste : vous voulez lutter contre les forces de l’ordre ou l’armée ? »
troisième prévenue
« Lors de mon placement en garde à vue, j’ai déclaré que je trouvais ce même placement absurde. Ça a été beaucoup repris pendant l’instruction, avec ironie et provocation. Cette absurdité, c’est pourtant la chose la plus sincère que j’ai ressentie. »
« j’ai enchaîné les contrats courts parce que j’ai toujours voulu me consacrer pleinement à mon travail. Dans les métiers du soin, qui sont épuisants, les gens sont vite épuisés par leurs conditions de travail et ne peuvent pas se consacrer pleinement à leurs tâches. »
l’impossibilité d’aller au bout d’une formation d’ambulancière à cause de l’arrestation est rappelée.
La présidente revient une nouvelle fois sur sa présence dans un squat à Toulouse, où sont passés beaucoup d’autres prévenus. On sent venir la corde – assez grossière – de la centralité de ce lieu comme endroit où le « groupe » des sept prévenus se serait rencontré. « J’y suis allé deux fois en tout. »
la présidente insiste sur le refus d’accepter le principe de l’enquête de personnalité, « ça dit quelque chose de votre personnalité »
La question est de s’en prendre aux institutions françaises. La justice en est une. Vous critiquez la justice et ne lui faites pas confiance ?
Vous détournez mes mots. […] Oui, dans ma vie, je porte des questionnements. Je me demande toujours, en comparant avec les façons de faire dans d’autres parties du monde, d’autres façons de penser : comment peut-on faire mieux ?
Vous citez Véronique Blanchard et vous parlez de préjugés de classes, de sexisme, de racisme dans la justice. La juge que je suis est obligée de vous demander ce que vous en pensez maintenant. Je crois qu’on ne peut pas nier que la justice a fait des erreurs. Ces questions ne parlent pas que de moi mais de questions qui traversent toute la société. C’est peut-être un peu prétentieux, mais le tribunal rend la justice au nom du peuple français…
L’autre assesseure enchaîne : Quand avez-vous fini votre master, et sur quel sujet portait-il ?
C’était un travail de littérature comparée sur trois auteurs, dont j’étudiais la représentation de la guerre. Notamment comment la représentation de la guerre avait pu impacter l’écriture de littérature.
Qu’avez-vous retiré de ce travail de recherche ? Je vous dis ça pour comprendre qui vous êtes, votre conception de la société…
Mon idée était qu’à travers les représentations de la mort, on approche des manières de vivre. C’est quoi, faire deuil ensemble ? Comment peut-on se reconstruire après des événements marquants, comme une guerre ?
On pourrait faire un lien avec vos engagements ultérieurs… Y a-t-il un fil conducteur entre ce travail et vos engagements ?
Je ne vois pas du tout. […] Je ne sais pas du tout comment relier mes études avec mes chefs d’inculpation, avec ça… Mes études se demandaient comment vivre ensemble, et les chefs d’inculpation, c’est l’extrême inverse.
Il y a tout de même la guerre. On peut se questionner sur cet intérêt pour la guerre…
On peut se questionner sur ces questions, et la salle le fait en se regardant avec une gêne qui atteint même certains représentants de la presse, pourtant imperturbables jusque-là.
J’ai étudié des récits de vie qui ne font pas des descriptions de la guerre, mais se demandent comment elle est ressentie.
L’avocate de la prévenue profite d’un des PV fait par l’un des deux enquêteurs anonymes, pour rappeler son inanité : il mentionnait que la prévenue avait déménagé dans la même rue que Julien Coupat. « Je l’ai appris grâce à ce PV. »
L’interrogatoire de Libre Flot
on commence par son casier judiciaire : une infraction de conduite sous stupéfiant, et une affaire d’outrage. LF aurait craché dans la boue aux pieds de policiers patrouillant auprès de ce qui restait de la Jungle de Calais : un lieu où LF donnait des cours de français aux migrants.
une formule qui résume tout un pan de vie : « je suis passé des punks aux hippies ».
le tribunal se promène à la découverte d’un mode de vie : celui des travellers, ces personnes au domicile mobile, toujours prêtes à partir au gré de leurs besoins de changer d’air et de leurs nécessités de trouver du travail.
« À aucun moment vous ne vous êtes dit que vous pourriez développer un talent particulier ? »
« Est-ce que vous avez pensé à consulter un thérapeute ? »
Et de manière répétitive, une insistance, revient avec chaque accusé, sur la consommation d’alcool. Une façon de tourner autour des dialogues enregistrés où certains auraient tenu des propos menaçants pour l’ordre constitué et ceux qui le servent. « bon, mais quand même quand on décide de s’alcooliser, c’est un choix délibéré, personne ne vous y force ». Comme pour réintroduire la notion de responsabilité dans des propos censés manifester une dangerosité.
Simon, l’artificier de Disneyland.
il ne se reconnaît pas du tout dans le portrait que le dossier d’accusation dresse de lui, il rappelle qu’il a été, au moment de son arrestation, braqué par un fusil d’assaut et traîné par les cheveux.
« Simon est questionné sur un accident de scooter qu’il a eu à 15 ans. Il a été percuté par une voiture qui a grillé une priorité. Il a été renversé par une voiture conduite par un policier ivre qui rentrait de service.
Plus tard, au centre de rééducation, des collègues de ce policier ont fait pression sur lui pour qu’il retire sa plainte, sans succès je crois. Le lien est fait, un peu, avec son tatouage ACAB à la main. »
L’avocate le questionne “Pourquoi ne pas avoir voulu mentionner le fait qu’un policier soit impliqué dans votre accident de scooter ?”
Simon répond : “Le moindre doute que l’on peut avoir sur l’institution policière peut ici être retenu à charge, j’ai donc eu peur d’en parler”.
Il a un portfolio d’essais spéciaux et serait presque prolixe quand il explique la différence entre les feux d’artifice répétitifs et formatés qu’on exige de lui à Disneyland et les effets spéciaux au cinéma, qui stimulent sa créativité. De quoi mettre en perspective les essais de pétard en période de confinement qui sont un des piliers de l’accusation.
Si la retranscription est juste , c'est lunaire !!
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